Manar BELFQIH - CEO Moroccan Center for Business Intelligence

12 Jan 2024

Manar BELFQIH – CEO Moroccan Center for Business Intelligence

Aujourd’hui, plongeons au cœur du monde fascinant de l’intelligence économique avec une personnalité éminente : Manar Belfqih, visionnaire et CEO du Moroccan Center for Business Intelligence. Son expertise dans le domaine a propulsé le centre vers de nouveaux sommets, faisant de lui un acteur clé de l’évolution économique au Maroc.

Dans cet entretien exclusif, nous explorerons les perspectives uniques de M. Belfqih sur l’intelligence économique, son impact sur le paysage des affaires marocain et les défis passionnants qui se profilent à l’horizon. Attachez vos ceintures pour un voyage captivant dans l’univers de la stratégie, de l’innovation et de la vision d’avenir avec le leader éclairé, Manar Belfqih.


TechOut : Pouvez-vous nous décrire votre parcours professionnel et comment vous êtes devenue une analyste et consultante en intelligence économique au Maroc?

Manar Belfqih : Tout a commencé avec ma licence en économétrie et mon master en management et marketing international, qui, dans un premier temps, m’ont fait découvrir la pertinence de la jonction entre la théorie des jeux, les chiffres et le marketing stratégique basé principalement sur la collecte de données et leur analyse dans le cadre de l’étude du comportement du consommateur et des études de marché. D’où est née ma passion pour la stratégie et donc mon orientation vers l’école de guerre économique de Paris pour une expertise en stratégie et intelligence économique.

Cela dit, c’était plus la pratique sur le terrain en tant que chargée de marketing stratégique et consultante en intelligence économique pour diverses entités qui m’ont conduite vers une obsession, je dirais, pour les métiers de l’intelligence économique.

Ayant remarqué le manque d’expertise en la matière dans notre pays, et compte tenu de ma connaissance quant aux enjeux de la guerre économique et des rapports de force qui, même s’ils dépassent le champ économique, nécessitent la mise en place de processus d’IE, j’ai immédiatement décidé de rentrer au Maroc pour y faire carrière en espérant apporter une plus-value au marché public et privé. Ce qui finalement m’a amenée à mettre en place le « Moroccan Center for Business Intelligence » et par la suite la start-up « Atlas Moroccan Computers ».


TechOut : En quoi consiste le rôle d’un analyste en intelligence économique, et comment cela s’applique-t-il spécifiquement au contexte économique du Maroc ?

Manar Belfqih : L’intelligence économique regroupe plusieurs métiers. Cela concerne la cybersécurité, la gestion des risques, la gestion de crise, l’analyse géopolitique, la due diligence, la compliance, la collecte d’information à travers différentes méthodes et j’en passe. À mon arrivée au Maroc, j’ai constaté que cela se limitait principalement à de la veille médiatique ou stratégique (si on veut) à travers des techniques assez simples et donc peu pertinentes, ce qui n’augmentait pas la capacité de résilience face aux défis que connaît le monde actuel.

Or, le fondement de l’intelligence économique est l’information stratégique : comment trouver ces informations, comment les valider, les analyser pour en faire un renseignement pouvant être utilisé soit en amont, à savoir dans la stratégie de gestion des risques et d’anticipation stratégique à titre d’exemple, en aval dans le cadre d’une intervention de crise ou de stratégie d’attaque. Soit dans le cadre d’une approche défensive ou dans le cadre d’une approche offensive.

Concernant l’application de l’intelligence économique dans sa globalité au contexte marocain, comme je l’ai évoqué plus haut, cela ne se limite pas à l’économie. Évidemment il y a une dimension économique majeure à prendre en compte notamment dans le cadre de la compétitivité des entreprises, de leur survie et de leur développement à travers des fusions-acquisitions et même dans le cadre de l’accompagnement d’entreprises étrangères pour s’implanter sur le territoire national en respectant les normes et les exigences de notre pays.

Néanmoins, le contexte mondial actuel et surtout la numérisation et la digitalisation de tous les systèmes, allant de l’administratif au domaine militaire, repositionnent la pertinence des pratiques de l’intelligence économique sur les champs social, politique, géopolitique, militaire, etc.


TechOut : Quels sont, à votre avis, les principaux défis auxquels le Maroc est confronté sur le plan de l’intelligence économique, et comment pouvez-vous aider les entreprises à les surmonter? Comment évaluez-vous la maturité de l’intelligence économique au sein des entreprises marocaines, et quelles sont les tendances émergentes dans ce domaine?

Manar Belfqih :

  1. Nous considérons les cellules d’intelligence économique en interne ou le recours à des cabinets d’IE comme une perte d’argent et non l’inverse. Ce qui est complètement faux.
  2. La pratique de l’intelligence économique reste dans une approche défensive, de veille, de lecture d’actualité. Ce qui devrait être tout à fait l’inverse en raison de notre position de leader sur le continent africain mais aussi en raison des mutations fulgurantes et exponentielles que connaît notre environnement.
  3. Nous n’avons toujours pas une approche d’IE faite sur mesure (si j’ose dire) pour notre pays qui prend en compte nos ressources et nos menaces et par-dessus tout une feuille de route pour la mise en place opérationnelle et tactique. Ce ne sont pas les institutions qui produisent des livres blancs, des recommandations et des notes de veille qui pourront afficher un impact visible et durable.
  4. Nous oublions souvent le nerf névralgique de l’IE, qui est le patriotisme et la protection et le renforcement de la souveraineté, particulièrement dans ce monde numérique où les frontières géopolitiques n’existent plus.
    Pour surmonter ces défis, cela passe principalement par une volonté politique, non seulement en initiant les formations « intelligence économique » mais en appliquant une approche offensive.
    Prenez le cas de la Chine, en 30 ans, le pays a réussi à passer du statut d’un pays pauvre à celui d’une puissance mondiale. Si vous analysez bien comment ils ont procédé et ce depuis l’ère Maoïste, vous verrez une approche singulière et offensive de l’intelligence économique non seulement centrée au niveau des décideurs mais aussi chez les jeunes écoliers qui feront la population de demain. Le message était simple : On est tous ensemble au service de notre pays. On est des patriotes. Et c’est de dont l’intelligence économique a besoin, de patriotes.

TechOut : Quelles sont les principales sources d’information que vous utilisez dans votre travail d’analyse en intelligence économique, et comment assurez-vous la fiabilité de ces sources?

Manar Belfqih : Je ne peux pas divulguer mon processus de travail, mais globalement, je me base sur la jonction entre OSINT – HUMINT et SOCMINT, que ce soit pour les acteurs physiques, moraux ou flux financiers. Mon mentor m’a dit un jour qu’il fallait toujours suivre l’argent (les flux financiers). Ce n’est pas toujours évident, mais ça donne accès à des mines d’informations hautement stratégiques. Chose que je confirme.


TechOut : Comment l’intelligence économique peut-elle contribuer à renforcer la compétitivité des entreprises marocaines sur le marché mondial?

Manar Belfqih : Premièrement, commençons par le commencement et soutenons la productivité locale que ce soit des biens ou des services, en améliorant la qualité et en empêchant la collecte de données par les géants du numérique qui influencent le comportement des citoyens marocains en les redirigeant vers des entreprises étrangères.

Ensuite, en empêchant la fuite des cerveaux, notamment les porteurs de projets dans le domaine du numérique et de l’intelligence artificielle, en leur apportant soutien, accompagnement et financement, ce serait déjà un bon début. Le rôle de l’État est crucial, c’est à lui d’amener ses citoyens et l’ensemble de l’écosystème dans ce sens. Celui du patriotisme.


TechOut : Quelles sont les mesures que vous recommandez aux entreprises pour protéger leurs informations stratégiques et faire face aux risques liés à l’intelligence économique?

Manar Belfqih : Le Covid et la période post-covid ont catalysé le cyberespace au devant de la scène. Ce qui implique plusieurs enjeux à la fois pour les entreprises, pour les gouvernements mais aussi pour les citoyens du monde entier. À présent, on ne parle que de souveraineté numérique et de cybersécurité. La protection des informations stratégiques est vitale pour toutes entités.

Cela concerne sa stratégie en interne, en externe, ses stratégies de développement, etc., et croyez-moi l’espionnage industriel à travers les techniques de cyberattaques devient de plus en plus performant, convaincant et inaperçu surtout avec la montée en puissance de l’intelligence artificielle. Cela nécessite de revoir notre stratégie nationale de souveraineté numérique, qui aujourd’hui implique les champs économique, politique, social et militaire.

Concernant les recommandations, je vous invite à lire ma tribune pour l’Association des Économistes d’entreprises (AMEEN ), lien ci-joint : ameen.org.ma

Ou mieux encore, le policy paper qui sort bientôt, de l’expert en stratégie digitale, Mouad Azougoul, ci-joint son compte LinkedIn : un MRE qui a décidé de rentrer au pays pour servir la cause nationale. On ne peut que féliciter ce genre d’initiative patriote, et d’encourager le gouvernement à mettre en place les dispositifs essentiels dans ce sens.


TechOut : En tant qu’experte, comment envisagez-vous l’avenir de l’intelligence économique au Maroc et quelles évolutions prévoyez-vous dans ce domaine?

Manar Belfqih : Je m’engage à défendre la cause nationale en mettant en avant l’intelligence économique au Maroc. Pour moi, l’avenir de cette discipline dépend largement de la volonté politique et de la capacité à influencer les acteurs privés ainsi que les citoyens marocains. Personnellement, je travaille activement pour promouvoir le 100% marocain à travers mes entreprises et contribuer ainsi à prendre de l’avance sur nos concurrents.
Je prévois des évolutions significatives dans le domaine de l’intelligence économique au Maroc, notamment une prise de conscience accrue de son importance. Cela nécessitera des initiatives gouvernementales visant à développer des formations spécialisées en intelligence économique et à encourager une approche offensive dans la pratique de cette discipline.

De plus, je m’attends à ce que les entreprises marocaines adoptent davantage des stratégies proactives pour protéger leurs informations stratégiques, renforcer leur compétitivité sur le marché mondial, et contribuer ainsi à la croissance économique du pays


Manar BELFQIH
Chief executive officer

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